L'anorexie reste une énigme pour les familles, pour les médecins, pour les jeunes, pour les jeunes filles elles-mêmes. Pourquoi donc s'imposent-elles ces privations extrêmes ? En France et en Europe, les récits éclairants de femmes guéries et les réflexions de soignants très impliqués abordent l'univers complexe des anorexises contemporaines et explorent les nouvelles manières de soigner. Au fil des siècles, l'énigme demeure ; pour quelles raisons une jeune femme cesse-t-elle volontairement de s'alimenter au point de se mettre en danger de mort ? Comment approcher une maladie aussi incompréhensible ? D'abord en donnant la parole à celles qui ont souffert d'anorexie. A travers les témoignages impressionnants de Stéphanie et Elodie en France, d'Elise à Londres et de Catalina à Bucarest, nous touchons du doigt des histoires singulières, mais aux symptômes étrangement identiques. Les mêmes mots reviennent : l'illusion du contrôle, le douloureux désir de perfection, la tristesse, la spirale, l'enfer... Ces comportements qui ne datent pas d'hier trouvent des échos dans la société contemporaine où la construction de l'identité passe de plus en plus par l'image. Quels rôles jouent aujourd'hui l'obligation de minceur imposée aux femmes, l'opulence alimentaire, la fascination narcissique qui sont les marques de notre temps ? Claude Fischler, socio-anthropologue français, Gustavo Charmet, psychiatre italien qui s'occupe d'adolescents à Milan depuis 50 ans, Oltea Joja, psychologue roumaine, nous ouvrent à une réflexion sur l'évolution sociétale du rapport au corps. Des soignants remarquablement investis partagent leurs questionnements et leurs convictions, mais aussi leurs doutes et une volonté de comprendre qui bouscule les frontières idéologiques entre psychologie, comportementalisme, médicament. Dans l'anorexie, aucune école de soin ne prétend à elle seule détenir la solution et les prises en charge sont impérativement complémentaires. A l'écoute des petites voix des patientes hospitalisées en France ou en Allemagne, dans leurs échanges avec les soignants, nous percevons l'opacité et la ténacité de ce trouble, et l'espoir que les choses se dénouent enfin. Les oeuvres d'Elise, artiste anglaise qui a passé des années à peindre, dessiner, sculpter son anorexie nous disent, elles, plus que les mots et leur force de représentation irradie le film dans une autre dimension.